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« L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer

PIM
Pimonaute non modérable
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Re : « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer

"Ne combattez l'opinion de personne ; songez que, si l'on voulait dissuader les gens de toutes les absurdités auxquelles ils croient, on n'en aurait pas fini, quand on atteindrait l'âge de Mathusalem."

Arthur Schopenhauer
Extrait des "Aphorismes sur la sagesse dans la vie "

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Gof-2118
Pimonaute
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Re : « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer

luc a écrit :

Les débats dans tout forum sont parfois violents.

C'est Hugo qui, après une altercation à l'Assemblée, où l'on lui reprochait sa violence, écrivit : "être violent, qu'importe, être vraie, tout est là".

Bien à vous,

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luc
Pimonaute non modérable
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« L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer

Les débats dans tout forum sont parfois violents. Le livre « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer, écrit en 1830 (il a donc le même âge que la Belgique), en donne une explication possible.

Ce qui suit est un extrait de la page 60 à 64, d’un texte de 64 pages. Le titre original est « Eristische dialektik ».

Le petit livre (format A6) énumère, après une introduction de 16 pages, 37 sophismes et le stratagème à utiliser contre eux.

Puis il arrive au 38ème et ultime stratagème (les mots en grec dans le texte original ont été remplacé par leur traduction):

ULTIME STRATAGÈME

Si l’on s’aperçoit que l'adversaire est supérieur et que 1'on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu'on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d'une manière ou d'une autre dans ce qu'il est : on pourrait appeler .cela argumentum ad personam pour faire la différence avec l’argumentum ad hominem. Ce dernier s'écarte de l'objet purement objectif pour s’attacher à ce que l’adversaire en a dît ou concédé. Mais quand on passe aux attaques personnelles, on délaisse complètement l'objet et on dirige ses attaques sur la personne de l'adversaire. On devient donc vexant, méchant, blessant, grossier. C’est un appel des facultés de l'esprit à celles du corps ou à l'animalité. Cette règle est très appréciée car chacun est capable de l’appliquer, et elle est donc souvent utilisée. La question se pose maintenant de savoir quelle parade peut être 'utilisée par l’adversaire. .Car s'il procède de la même façon, on débouche sur une bagarre, un .duel ou un procès en diffamation.

Ce serait une grave erreur de penser qu'il suffit de ne pas être soi-même désobligeant. Car en démontrant tranquillement à quelqu'un qu'il a tort et que par voie de conséquence il juge et pense de travers, ce qui est le cas dans toute victoire dialectique, on 1'ulcère encore plus que par des paroles grossières et blessantes. Pourquoi ? Parce que, comme dit Hobbes (De Cive, c. 1) : Omnis animi voluptas, omnisque alacritas-in eo sita est, quod quis habeat, quibuscum conferens se, possit magnifice sentire de se ipso (Toute volupté de l’esprit, toute bonne humeur vient de ce qu’on a des gens en comparaison desquels on puisse avoir une haute estime de soi même). Rien n'égale pour l’homme le fait de satisfaire sa vanité, et aucune blessure n'est plus douloureuse que de la voir blessée. (D'ou des tournures telles que « L’honneur avant tout », etc.). Cette satisfaction de la vanité naît principalement du fait que 1'on se compare aux autres, à tout point de vue, mais surtout au point de vue des facultés intellectuelles. C'est justement ce qui se passe effectivement et très violemment dans toute controverse. D'ou la colère du vaincu, sans qu'on lui ait fait tort, d'ou son recours à ce dernier expédient, à ce dernier stratagème auquel il n'est pas possible d'échapper en restant soi-même poli. Toutefois, un grand sang-froid peut être là aussi salutaire : il faut alors, dès que l'adversaire passe aux- attaques personnelles, répondre tranquillement que cela n'a rien à voir avec l'objet du débat, y revenir immédiatement et continuer de lui prouver qu'il a tort sans prêter attention à ses propos blessants, donc en quelque sorte, comme dit Thémistocle à Eurybiade : frappe, mis écoute. Mais ce n'est pas donné à tout le monde.

La seule parade sûre est donc celle qu’Aristote a indiquée dans le dernier chapitre des Topiques : ne pas débattre avec le premier venu, mais uniquement avec les gens que l'on connaît et dont on sait qu'ils sont suffisamment raisonnables pour ne pas débiter des absurdités et se couvrir de ridicule. Et dans le but de s’appuyer sur des arguments fondés et non sur des sentences sans appel; et pour écouter les raisons de l'autres et s'y rendre; des gens dont on sait enfin qu'ils font grand cas de la vérité, qu'ils aiment entendre de bonnes raisons, même de la bouche de leur adversaire, et qu’ils ont suffisamment le sens de l’équité pour pouvoir supporter d'avoir tort quand la vérité est dans l'autre camp. Il en résulte que sur cent personnes il s'en trouve à peine une qui soit digne qu'on discute avec elle. Quant aux autres, qu’on les laisse dire ce qu’elles veulent car desipere est-juris gentium (C’est un droit des gens que d’extravaguer), et que l'on songe aux paroles de Voltaire : « La paix vaut encore mieux que-la vérité. » Et un proverbe arabe dit : « À l'arbre du silence est accroché son fruit : la paix. »

Toutefois, en tant que joute de deux esprits, la controverse est souvent bénéfique aux deux parties car elle leur permet de rectifier leurs propres idées et de se faire aussi de nouvelles opinions. Seulement, il faut que les deux adversaires soient à peu près du même niveau en savoir et en intelligence. Si le savoir manque à l'un, il ne comprend pas tout et n'est pas au niveau. Si c'est l'intelligence qui lui manque, l’irritation qu'il en concevra l'incitera à recourir à la mauvaise foi, à la ruse et à la grossièreté.

Il n'y a pas de différence essentielle entre la controverse in colloquio privato s. familiari (dans une conversation privée et familière) et la disputatio sollemnis publica, pro gradu (la discussion solennelle et publique, selon le rang), etc. Si ce n'est que : dans 1e deuxième cas il est exigé que le Respondens (celui qui répond) ait toujours raison contre l'Opponens (celui qui s’oppose), ce qui explique qu'en cas de nécessité le praeses (le président de séance) doive lui prêter main-forte; ou encore : dans le deuxième cas les arguments sont plus formels et on aime les revêtir de la forme stricte d'une conclusion.

Ceux qui veulent en savoir plus sur la dialectique éristique peuvent consulter Wikipedia

Finalement une transcription du texte peut se trouver à Wikisource

Un sous-titre souvent donné par d’autres à ce livre est :
“L’art d’avoir toujours raison et de se faire détester de tous”

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