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Relevé dans l'IPIMail 2001-22 reçu ce jour: la réponse du Ministre de la Justice à une question posée par le député MR, Damien Thiéry (document Chambre)
Question:
Ma question concerne entre autres la loi du 2 juin 2010 modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion, et la traduction de documents relatifs à l'association des copropriétaires.
À été inséré par la loi précitée du 2 juin 2010, article 15 (publiée au Moniteur Belge du 28 juin 2010) un article 577-11/2, au Code civil libellé comme suit: "Un copropriétaire peut, à sa demande, obtenir une traduction de tout document relatif à la copropriété émanant de l'association des copropriétaires, si la traduction visée doit être effectuée dans la langue ou dans l'une des langues de la région linguistique dans laquelle l'immeuble où le groupe d'immeubles est situé."
Dans le cadre des travaux préparatoires, il a été déclaré qu'il s'agissait en l'espèce du droit d'obtenir une traduction et non de l'obligation d'utiliser une langue déterminée; cette disposition ne serait donc pas contraire à l'article 30 de la Constitution. La section de législation du Conseil d'État a néanmoins relevé, dans le cadre de la procédure d'évocation du projet par le Sénat, qu'une association de copropriétaires ne constituait pas une entreprise. 1. À cet égard, ne doit-on pas considérer que pareille disposition empiéterait sur les compétences des Communautés en matière d'emploi des langues dans les documents d'entreprises? En effet, cette disposition aurait pour effet d'étendre le champ d'application des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, à d'autres entités que les entreprises. 2. J'ajoute que dans un article doctrinal daté de 1996 (H. Van Soest, "La loi sur la copropriété et l'emploi des langues", dans La Pratique de la copropriété, Bruylant, 1996), il est indiqué que pour les statuts de la copropriété, l'emploi des langues est libre mais qu'au niveau de la Fédération Royale des Notaires, il est trouvé normal qu'un document destiné à un certain nombre de personnes, dont on ne connaît pas l'identité à l'avance, soit rédigé certes dans la langue de la région mais qu'une rédaction en deux langues par juxtaposition soit l'idéal dans certains cas bien déterminés. Quel est votre point de vue juridique à ce propos?
Réponse:
1. L'article 577-11/2 du Code civil, tel qu'inséré par la loi du 2 juin 2010, est issu d'amendements qui furent déposés au cours de la procédure d'évocation du projet par le Sénat. Un premier amendement (doc. 4-1409/2 du 21 octobre 2009, Session 2009-2010, amendement n° 7) avait proposé d'insérer une disposition rédigée comme suit: "Lorsqu'ils accomplissent les actes qui leur sont prescrits par la loi, les organes de l'association des copropriétaires emploient exclusivement la ou les langues de la région linguistique dans laquelle les immeubles ou groupes d'immeubles sont situés." Dans son avis du 24 novembre 2009 (doc. 4-1409/3 du 4 décembre 2009, Session 2009-2010), le Conseil d'État observa que cet amendement n'était pas conforme à la Constitution. Le Conseil d'État releva, en effet, que l'article 30 de la Constitution ne permet au législateur de régler l'emploi des langues que pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Il releva également que, si l'article 129 de la Constitution autorise les communautés flamande et française à régler l'emploi des langues notamment pour "les actes et documents des entreprises imposés par la loi et les règlements", cet article n'était pas applicable en l'espèce dès lors qu'une association de copropriétaires n'est pas une entreprise et qu'en tout état de cause, l'autorité fédérale n'était pas compétente. À la suite de cet avis, un nouvel amendement (doc. 4-1409/6 du 2 mars 2010, Session 2009-2010, amendement n° 62), dont est issu le texte actuel de l'article 577-11/2, fut déposé. La motivation de cet amendement précisait notamment qu'il visait "- dans le respect de la liberté linguistique de tout citoyen et dès lors aussi de toute personne morale et, partant, de toute association de copropriétaires - à préserver le droit de tout copropriétaire d'accéder aux documents émanant de l'association des copropriétaires dans la langue de la région". Elle précisait également qu'"il s'agit en l'espèce du droit d'obtenir une traduction et non de l'obligation d'utiliser une langue déterminée. L'association des copropriétaires décide de manière autonome si elle rédige ses textes originaux dans telle ou telle langue ou si elle souhaite considérer les deux versions linguistiques comme authentiques". Il ressort de ce qui précède que, tandis que le premier amendement prescrivait l'emploi d'une langue pour les actes des organes de l'association des copropriétaires, tel n'est pas le cas de la disposition finalement adoptée par le Parlement. Le Parlement a ainsi pris en compte l'avis rendu par le Conseil d'État et il ne peut donc pas être considéré que cette disposition empiéterait sur les compétences des Communautés en matière d'emploi des langues dans les documents d'entreprises. Il faut d'ailleurs relever qu'un amendement déposé après l'approbation du rapport (Sénat, doc. 4-1409/12 du 6 mai 2010, Session 2009-2010, amendement n° 160) et qui visait précisément à réintroduire le texte du premier amendement, ne fut pas adopté. 2. L'article doctrinal évoqué par la question précise que l'emploi des langues est en principe libre pour les statuts des copropriétés. Comme il fut déjà souligné, l'acte de base est, en effet, le complément de l'acte notarié de vente et est donc soumis à la même réglementation que ce dernier en ce qui concerne l'emploi des langues (cf. question n° 40 de monsieur Valkeniers du 6 janvier 1978, Questions et Réponses, Chambre, 1977-78, p. 925). Le même article précise qu'une circulaire du président de la Fédération Royale des Notaires du 27 novembre 1973 indique que "le sentiment de la Fédération est que toute vente publique doit se tenir dans la langue de l'endroit" et il estime que les mêmes principes devraient être appliqués aux statuts de la copropriété. D'un point de vue juridique, il faut toutefois constater que cette circulaire n'a pas de force obligatoire.
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