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https://www.rtbf.be/article/envie-d-ach … r-11513233
Devenir propriétaire de son logement. C’est un rêve pour beaucoup de locataires. Encore faut-il avoir les moyens financiers pour acheter sa maison ou son appartement et, bien sûr, consacrer le temps nécessaire à la recherche du bien idéal. Ce processus, Matéo (prénom d’emprunt) était bien décidé à le mener à son terme. Et c’était plutôt bien parti : en quelques semaines, il a déniché l’appartement qui correspondait à son budget, avec en prime la localisation de ses rêves. Il a donc communiqué une offre d’achat ferme à l’agent immobilier. Offre acceptée ! Il n’y avait plus qu’à attendre le projet de compromis de vente et, ensuite, passer chez le notaire. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Matéo n’a jamais reçu le moindre projet de compromis de vente. A la place, il a reçu un "projet de cession d’option d’achat" dont il n’avait jamais entendu parler ! La confiance rompue, il a refusé de signer.
Plus de peur que de mal ? Pas vraiment. Pendant des semaines, il a été bloqué dans ses recherches. Eh oui : pourquoi continuer à visiter des appartements alors que, sans nouvelles des différents intervenants (en l’occurrence l’agent immobilier et le notaire qui a rédigé le fameux "projet de cession d’option d’achat"), il se sentait toujours tenu par son offre d’achat. Personne ne l’en avait clairement délié, il était donc trop risqué pour lui de chercher un autre appartement. Il a donc dû laisser filer de belles occasions et, surtout, vivre une longue période d’incertitude et de stress à cause de cette question : risquait-il de devoir payer des pénalités pour avoir refusé d’acheter l’appartement en question alors que, de son point de vue, ni l’agent immobilier, ni le notaire concerné, ni le propriétaire du bien – avec qui il n’a jamais eu le moindre contact d’ailleurs – n’avaient pris la peine de lui expliquer de quoi il retournait vraiment ?
Quand le duo prévu se transforme en trio imprévu
La mésaventure de Matéo n’est pas un cas isolé. Depuis une dizaine d’années, surtout à Bruxelles et en Flandre, les options d’achat se multiplient. Dans le cas de Matéo, il s’agit de ce que les professionnels appellent une "option simple" qui fait intervenir une troisième personne. Celle-ci s’est vue remettre une option d’achat, c’est-à-dire le droit d’acheter le bien à tel prix. Cette option d’achat résulte d’une promesse de vendre que lui a fait le propriétaire, ce qui a pour conséquence qu’il s’interdit de vendre à toute autre personne. Le titulaire de l’option peut l’exercer et acheter le bien ou céder son option à un amateur qui, lui, va lever l’option et acheter le bien. En d’autres termes, l’intermédiaire a acquis le droit d’acheter, droit qu’a priori, il allait céder à Matéo.
En général, l’option d’achat s’accompagne d’une option de vente. On ne parle plus alors d’une option simple mais d'"options croisées", une appellation souvent remplacée aujourd’hui par "options réciproques". De quoi s’agit-il exactement ? Le principe est assez simple. "Dans le mécanisme de l’option croisée", explique la notaire Sophie Maquet, "vous avez d’un côté un vendeur qui s’engage irrévocablement à vendre un bien immobilier et, de l’autre, un acheteur qui s’engage irrévocablement à acheter le bien en question. Le prix étant déterminé, vous avez tous les éléments du contrat de vente, la chose, le prix, les deux parties.”
Si ce n’est que, dans le cas de Matéo, il n’y avait pas deux parties – le propriétaire qui vendait l’appartement et lui – mais trois ! La troisième partie étant un intermédiaire, un marchand de biens à qui le propriétaire "réel" du bien avait effectivement cédé une option d’achat, option que ce marchand cherchait à revendre. Au fond, Matéo s’est retrouvé dans une situation où, pour devenir propriétaire de cet appartement, il aurait dû d’abord acheter une option lui donnant le droit d’acheter l’appartement. Tortueux ? Un peu, oui.
Un mécanisme parfois tortueux mais pas illégal en soi
Tortueux mais pas illégal en soi. Et il y a même une logique derrière toute cette complexité : "Si vous exercez une activité de marchand de biens" explique Gilles Carnoy, avocat spécialisé en droit immobilier, "votre objectif est en principe d’acheter un bien immobilier puis de le revendre en essayant de faire une plus-value. Mais cela implique toute une série de frais (droits d’enregistrement, frais de notaire, etc.) sans oublier qu’il faut également réunir toute une série de documents et qu’il faut également servir une série de garanties (vices cachés, évictions, etc.). Tout cela est très lourd. Et donc, la tentation est grande de remplacer l’opération d’achat/revente du bien par une opération où vous acquérez non pas l’immeuble, mais le droit d’acheter l’immeuble. Vous achetez en fait une option d’achat que vous allez ensuite remettre à un tiers. Il n’y a rien de plus simple. Ça se fait sur un papier A4. Quant au tiers qui récupère l’option, il va lever l’option et là, la vente va intervenir. Le marchand de biens aura simplement cédé un papier et, au passage, il aura pris sa marge.”
Répétons-le, en soi, ce mécanisme n’est pas illégal, il peut même être très utile. Exemple concret donné par la notaire Sophie Maquet : "Vous avez un propriétaire qui décide de vendre son logement mais qui n’a pas encore trouvé où aller. Avec une option, il peut se réserver le droit de rester dans l’immeuble qu’il vend pendant un délai qui va au-delà du fameux délai des quatre mois pour payer la taxation [les droits de mutation qu’il faut acquitter lors de la signature de l’acte authentique, ndlr]. Eh bien là, le mécanisme de l’option va pouvoir lui permettre de rester beaucoup plus longtemps que ce n’est le cas dans une formule classique de compromis.”
Il y a même des situations où tous les notaires ont adopté ce procédé, indique Gilles Carnoy : "Lorsqu’un décret change dans un sens favorable à l’acheteur (le taux des droits diminue ou l’abattement augmente), il y a un délai d’entrée en vigueur. Durant de délai, tout le monde attend l’application des dispositions plus favorable mais personne ne veut prendre le risque de laisser le bien sur le marché. Les notaires ont alors fait signer aux parties des conventions d’options réciproques pour bloquer la situation en attendant l’entrée en vigueur du décret favorable. C’est arrivé à plusieurs reprises."
Attention aux maisons de rapport vendues "à la découpe"
On rencontre régulièrement ce mécanisme d’option quand un propriétaire souhaite vendre une maison de rapport – constituée donc de plusieurs appartements – qui n’a pas encore été transformée en copropriété, c’est-à-dire avec plusieurs propriétaires différents. Petit rappel de Gilles Carnoy : "Il ne faut pas oublier qu’un propriétaire peut avoir intérêt à vendre son bien à la découpe s’il a une maison de rapport avec, par exemple, quatre unités de logements. Il pourrait gagner davantage d’argent en vendant quatre appartements qu’en vendant un seul immeuble. Mais il n’est pas rare qu’un propriétaire se sente un peu démuni devant ce type d’opération, s’il est âgé et/ou n’a pas beaucoup d’argent. Et là, cela peut avoir du sens de donner une option d’achat globale qui est divisible en différents lots et cessible. C’est alors le marchand de biens qui va diviser ses options et il va créer des lots. Il va demander un permis d’urbanisme pour la division en plusieurs lots, il va rémunérer un géomètre pour faire le mesurage, financer la rédaction d’un acte de division qui va devenir un acte de base, il va également produire un règlement de copropriété, et un règlement d’ordre intérieur. Et puis, une fois qu’il aura fait tout ça, il pourra vendre des lots dans une copropriété. Là, il y a un vrai service et la revente de l’option rémunère ce service.”
Et en cas de souci ? "Au final", explique Sophie Maquet, "c’est le vendeur du bien [le propriétaire, ndlr] qui va être responsable de toute la charge administrative. Même s’il a délégué ces tâches, c’est le vendeur qui, entre guillemets, va couper l’immeuble en morceaux. S’il y a un couac dans toute cette procédure, c’est contre lui qu’on va se retourner, par contre l’intermédiaire car ce dernier ne vend pas l’appartement".
Et ce n’est pas une vue de l’esprit, les problèmes ne sont pas rares car, constate la notaire bruxelloise, "certains intermédiaires veulent aller plus vite que la musique. Ils veulent vendre le bien immobilier avant même d’avoir eu les réponses de la commune. Et donc ils mènent de front les deux procédures la procédure de vente et la procédure de découpe de l’immeuble au niveau administratif. Et parfois, ça dérape… Exemple assez typique à Bruxelles : on vend un étage avec l’entresol puis, au moment où on doit avoir les autorisations de la commune, elle dit non, idem pour les pompiers, pas question de faire un local de vie dans cet entresol, ce pourrait être au mieux un local à vélo ou à poubelles…”
Une exigence absolue : la transparence
En réalité, si les options d’achat/de vente peuvent être utiles, elles doivent être manipulées avec précaution. "Il faut vraiment être très prudent", confirme Gilles Carnoy, "parce qu’autrement, on risque vite de déraper.” Notamment vis-à-vis de l’administration fiscale. "Beaucoup de marchands de biens l’ignorent, souligne l’avocat, mais quand ils vendent une option d’achat, ils doivent ajouter la TVA. C’est un surcoût non négligeable pour celui qui rachète cette option. Par ailleurs, quand elle établit le montant des droits d’enregistrement, l’administration prend en compte la valeur vénale du bien et, généralement, le receveur va considérer que cette valeur vénale intègre la valeur de l’option”. Sur laquelle il faudra donc aussi payer des droits d’enregistrement…
Mais il n’y a pas que l’aspect pécuniaire des choses, même si c’est important. Il y a aussi la question – essentielle – de la transparence. "Quand le processus de vente inclut des options croisées", insiste Sophie Maquet, "il faut être transparent dès le début. Parce que si c’est un peu nébuleux, trop compliqué, les parties se méfient. Et s’il y a de la méfiance, il devient très difficile de rétablir la confiance.”
Pour l’avocat Gilles Carnoy, pas le moindre doute non plus, "la transparence est impérative dès le départ”, c’est-à-dire au moins à partir du moment où un candidat acheteur marque son intérêt pour un bien immobilier déterminé. "Le Code civil impose d’ailleurs un devoir d’information sur tous les éléments qui peuvent légitimement intéresser l’acheteur, souligne-t-il encore. L’existence d’une option d’achat en est clairement un. J’ajoute que l’agent immobilier – s’il y en a un dans le processus de vente – a un devoir d’information qui lui est personnel. C’est un devoir qui découle du code de déontologie de la profession. Il a l’obligation d’informer la contrepartie de toutes les caractéristiques essentielles de la transaction. Donc, ce n’est pas compliqué, dès le début, la transparence doit exister et l’acquéreur doit savoir exactement dans quoi il s’engage. Mais, en pratique, ce n’est pas toujours le cas, les marchands de biens sont des gens qui veulent aller vite et qui n’ont pas trop envie de devoir répondre à des questions. Donc, très souvent, ils préfèrent ne pas en dit trop aux candidats acheteurs pour éviter que ceux-ci posent des questions et, bien sûr, pour éviter qu’ils trouvent le processus trop compliqué…” Matéo est bien placé pour le savoir…"
(fin de citation)
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